La Cour de cassation a jugé, par arrêt rendu le 12 juillet 2023, que le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution des sommes versées sur le fondement de clauses abusives relatives au remboursement d’un prêt en francs suisses et au risque de change supporté par l’emprunteur doit être fixé à la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
Cette décision est très favorable aux emprunteurs.
Dans la mesure où l’action en constatation du caractère abusif des clauses est jugée, quant à elle, imprescriptible, les emprunteurs peuvent ainsi saisir les juridictions compétentes, à tout moment en tout état de cause, et ce, plusieurs années après avoir conclu le prêt en francs suisses litigieux ou après l’avoir entièrement remboursé, sans craindre de voir leurs actions jugées prescrites.
Cette décision est conforme au droit de l’Union européenne et notamment à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative au principe d’effectivité.
En cas de constatation judiciaire du caractère abusif des clauses d’un prêt en devise, l’emprunteur doit être replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en l’absence de telles clauses qui, si elles ont imposé un paiement devenu indu, entraîne sa restitution.
Cela signifie que, dans cette hypothèse, l’emprunteur ne doit restituer à la banque que la somme reçue en euros initialement à la date de conclusion du prêt.
En contrepartie, la banque doit lui restituer l’ensemble des sommes versées en francs suisses, converties en euros au taux de change EUR/CHF du jour de chacun des paiements, depuis la date d’effet du prêt, en ce inclus l’ensemble des amortissements, des intérêts versés, des primes d’assurance, des frais de dossier, etc.
Les restitutions réciproques se compensent naturellement à due concurrence. En cas de trop perçu, la banque doit restituer les sommes indument versées.
Ce droit à restitution, comparable, en droit interne, à celui issu des effets de l’annulation d’un contrat, naît de la reconnaissance judiciaire elle-même du caractère abusif des clauses considérées, de sorte que le point de départ du délai de prescription de l’action en restitution des sommes versées sur le fondement de clauses abusives doit être fixé, comme l’a retenu la Cour de cassation, après la reconnaissance judiciaire du caractère abusif des clauses incriminées.
Cette solution est conforme au principe d’effectivité qui permet à un consommateur d’exercer ses droits conférés par la Directive européenne 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
L’emprunteur doit pouvoir soulever, à tout moment, le caractère abusif d’une clause contractuelle non seulement en tant que moyen de défense, mais également aux fins de faire déclarer par le juge le caractère abusif d’une clause contractuelle, de sorte qu’une demande introduite par le consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne saurait être soumise à un quelconque délai de prescription.
L’action qui tend à réputer ces clauses non-écrites est donc imprescriptible et l’action restitutoire qui en découle doit être intentée dans le délai de cinq années après la décision judiciaire.
Cette solution est protectrice des droits des consommateurs qui ne peuvent pas eux-mêmes apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle.
En cas de clause contractuelle obscure, lacunaire, inintelligible, trompeuse et déséquilibrée, l’emprunteur/consommateur doit en conséquence saisir le juge afin qu’il la contrôle au regard des principes d’exigence de transparence posés par la Cour de justice de l’Union européenne.
Si le juge la déclare abusive, les effets de cette constatation entraineront l’anéantissement rétroactif du contrat et la suppression du déséquilibre.
Cette décision concerne le contentieux des prêts en francs suisses mais s’applique à tous les contrats conclus entre un consommateur et un professionnel.
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