CONTENTIEUX DES PRÊTS EN FRANCS SUISSES
Le cabinet est dédié au contentieux des prêts en francs suisses, remboursables en francs suisses ou en euros.
Chaque situation individuelle est distincte mais les réponses à apporter sont structurelles.
Les questions de fait et de droit étant analogues, des économies d’échelle peuvent ainsi être réalisées.
Il s’agit d’un contentieux complexe qui bénéficie d’une évolution favorable importante résultant des décisions récentes rendues par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Prêts libellés en francs suisses
Le contentieux vise :
- Les particuliers – frontaliers et non frontaliers
- Les sociétés civiles immobilières
- Les sociétés commerciales
De nombreuses banques françaises et étrangères ont consenti, notamment depuis les années 2000, des prêts en francs suisses ou en devises étrangères à des personne souhaitant financer l’acquisition d’un bien immobilier en France, destiné à devenir soit leur résidence principale soit un investissement immobilier locatif.
La clientèle des frontaliers suisses, qui perçoivent des revenus en francs suisses depuis la Suisse mais vivent en France, était particulièrement recherchée par les banques frontalières qui obligeaient les emprunteurs frontaliers suisses, qui souhaitaient acquérir un bien immobilier situé en France au moyen d’un prêt immobilier, à financer leurs acquisitions au moyen de prêts en francs suisses, remboursables dans cette même devise.
L’argument commercial soutenu par les banques était que le taux d’intérêt de ce type de prêts en francs suisses était inférieur à un crédit immobilier en euros et que les emprunteurs ne seraient pas exposés au risque de change compte tenu de leurs revenus en francs suisses.
Grâce à l’ouverture de comptes en devise, les frontaliers réglaient leurs échéances en francs suisses au moyen de leurs revenus suisses, sans opération de change en évitant de faire des virements internationaux.
Ces prêts en francs suisses ont également été consentis à des investisseurs et sociétés souhaitant financer un investissement immobilier locatif situé en France, bénéficiant le cas échéant d’un régime de défiscalisation.
Ils ont par ailleurs été consentis à des collectivités locales.
Cependant, les banques ont omis d’indiquer, de manière claire et compréhensibles, aux emprunteurs, frontaliers et non frontaliers, qu’ils s’exposaient obligatoirement à un risque de change en finançant le prix d’acquisition d’un bien immobilier en euros au moyen d’un prêt immobilier en francs suisses.
Le risque de change résulte de l’ensemble contractuel constitué de la vente immobilière libellée en euros et du contrat de prêt immobilier libellé en francs suisses.
Les conséquences financières de ce risque sont l’indexation du prix d’acquisition du bien immobilier sur le cours EUR/CHF, qui peut varier sans limite.
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- Lors du paiement des échéances, si l’emprunteur perçoit des revenus en euros et doit les rembourser en francs suisses notamment si l’emprunteur frontalier cesse son activité professionnelle en Suisse,
Dans la mesure où le bien immobilier est situé en France, ces prêts en devise exposent les emprunteurs à un risque de change, dont l’emprunteur prend conscience :
- Lors du remboursement anticipé du prêt en cas de vente du bien financé avant son terme, le prix de vente du bien étant en euros tandis que le capital restant dû à rembourser est en francs suisses ;
- Lors du remboursement de la totalité du capital en cas de prêt in fine, le contrat d’assurance-vie et le bien financé ayant une valeur en euros tandis que le capital doit être remboursé en francs suisses.
En 2006, le cours EUR/CHF était de 1,65 CHF pour 1 EUR environ.
A compter des crises financières de 2006 et 2008, l’euro s’est continuellement déprécié par rapport au franc suisse.
Il était de 1,20 CHF en 2011 après l’intervention de la Banque Nationale Suisse qui a fixé un taux plancher à ce cours, aboli en janvier 2015.
Depuis janvier 2015, le cours EUR/CHF est environ à parité.
En décembre 2022, il était de 0,96 CHF pour 1 EUR.
La valeur du Franc Suisse a donc gagné 70% face à la valeur de l’Euro.
Compte tenu de la dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse, la contrevaleur en euros du montant du capital et des intérêts à régler à la banque a donc également augmenté de 70% environ entre 2006 et ce jour.
Pour de nombreux emprunteurs, ces prêts ont des conséquences économiques et financières préjudiciables car ils sont contraints de devoir rembourser la contrevaleur en euros d’une somme excédant le montant nominal de leur dette initiale.
En cas de vente d’une maison en euros et de remboursement anticipé du prêt, les fonds destinés à rembourser le prêt en devise sont en euros, de sorte que l’emprunteur va subir les conséquences de la perte de change née de l’appréciation du franc suisse par rapport à l’euro.
Prenons l’exemple de l’achat d’un bien immobilier situé en France au prix de 350 000 euros au moyen d’un prêt en francs suisses d’un montant de 500 000 CHF et de sa vente à l’issue d’une durée de 7 ans, lorsque le capital restant dû à rembourser au moyen d’euros est de 400 000 CHF.
Le prêt consenti par la banque est d’un montant de 500 000 CHF, ce qui équivalait en 2008 à la contrevaleur en francs suisse de la somme de 350 000 euros, à un cours de 1,42857 CHF pour 1 EUR.
A l’issue de 7 ans, le capital restant dû (CRD) est de 400 000 CHF.
En cas de variation importante du cours EUR/CHF initial retenu de – 40% sur une durée de 7 ans, soit 1,05 CHF pour 1 EUR, la contrevaleur en euros augmenterait de 100 000 euros, pour se porter à 380 000 euros au lieu de 280 000 euros, au cours EUR/CHF initial retenu.
La perte de change s’élèverait à 100 000 euros.
En cas de prêt in fine, non amortissable, adossé à un placement financier, où le capital doit être remboursé en une seule échéance au terme du prêt, celui-ci demeurerait à 500 000 francs suisses, ce qui équivaudrait à 476 190 euros au cours de 1,05 CHF pour 1 EUR.
Selon le même exemple, la perte de change s’élèverait à 126 190 euros.
Du fait de la variation des cours EUR/CHF, la dette s’est donc alourdie de manière significative.
Les emprunteurs estiment n’avoir pas été suffisamment informés par les banques de ces conséquences économiques négatives, sur leurs obligations financières.
Plusieurs moyens juridiques peuvent être opposés à la banque.
La Cour de justice de l’Union européenne a récemment jugé que l’article 4, paragraphe 2, de la directive européenne 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que, dans le cas des contrats de crédit, les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause.
À cet égard, cette exigence implique qu’une clause selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières (CJUE, 20 septembre 2017, Ruxandra Paula, aff. C-186/16).
La Cour de justice de l’Union a en outre jugé que l’absence de mention, dans le contrat de prêt en devises étrangères, des informations essentielles d’un tel crédit jouait un rôle décisif dans l’appréciation du caractère clair et compréhensible de la clause objet du contrat (CJUE, 10 juin 2021, VE c. BNP Paribas Personal Finance SA, aff. C 609/19 ; CJUE, 10 juin 2021, AV c. BNP Paribas Personal Finance SA, aff. C 776 à 782).
Et elle a rappelé que constituaient des informations essentielles la description du fonctionnement du mécanisme de change et des risques encourus par le consommateur, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie nationale et de hausse des taux d’intérêts étrangers, qui pourraient le conduire à supporter un risque réel de change, économiquement difficiles à assumer.
Il ressort également de la jurisprudence de la Cour de justice qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur.
Les clauses des prêts en francs suisses peuvent en conséquence être jugées non écrites si elles ne respectent pas les critères d’exigence de transparence posés par la Cour de justice de l’Union européenne.
Dans ce cas, les prêts en francs suisses pourraient être annulés et l’emprunteur devrait restituer la contrevaleur en euros des sommes empruntées en francs suisses, fixée au cours de change alors applicable, soit, comme on l’a vu dans l’exemple précité, la somme de 400 000 euros.
La banque devrait lui restituer les amortissements, les intérêts, les commissions et les primes d’assurance emprunteur perçues au titre du contrat de prêt, au cours de change alors applicable du jour de chaque paiement.
La perte de change serait ainsi annulée.